La vie autrefois : l'artisanat

          De tous temps les habitants de Mollières, comme d’ailleurs de tous les villages de montagne, se sont efforcés de se suffire autant que possible à eux-mêmes. Par exemple, il y a toujours eu un ou deux cordonniers au village, mais leur métier n’était qu’accessoire ; ils n’y travaillaient que l’hiver ou quand les travaux de la campagne étaient moins pressants : ils vivaient donc essentiellement, comme les autres Molliérois, de la terre.

          Il y avait le teisseire (tisserand) qui tissait le fil de laine pour faire des couvertures. (Les Molliérois qui ont eu la chance de quitter le village avant la guerre possèdent encore quelques unes de ces couvertures qu’ils gardent jalousement en souvenir des ancêtres). Si la laine des moutons était filée avec plus de soin, lou tesseire filait le drap, avec lequel on confectionnait des pantalons, des vestes, des gilets, des capes pour le froid et la pluie, et aussi des jupes pour les femme et jusque des guêtres pour marcher dans la neige. Tous ces tissus avaient une durée de plus d’une génération. Je me rappelle avoir encore vu des anciens avec des pantalons de drap dont le noir à la longue était devenu marron.

          Le teisseire fabriquait aussi la toile de chanvre pour draps et chemises. Mais cette plante textile ne poussait que dans les petites planches de la Liouma et Pierre-Blanche et étaient loin de suffire aux besoins. Les Molliérois avaient donc l’habitude d’acheter ce produit déjà prêt pour garnir la quenouille à Roquebillière, à la foire de Sainte Catherine (le 25 novembre).

          Le paysan de la montagne, et même de la plaine, à toujours été par nécessité bon bricoleur en toutes branches. Ici, ils se spécialisaient surtout dans le travail du bois où la matière première ne manquait pas. Les anciens confectionnaient en bois des seaux, des écuelles, des louches, des cuillères, etc. Dans la branche de la menuiserie, il y a toujours eu quelques spécialistes assez habiles et assez outillés pour confectionner les meubles de la maison, comme des armoires, non sans quelques décorations.

          A l’occasion de constructions nouvelles, l’on a rarement utilisé la main-d’œuvre étrangère pour la fabrication des portes, des fenêtres, volets, cloisons, etc. On pouvait, avant l’incendie, remarquer sur certaines portes d’entrée un certain goût artistique. Le seul exemple qui ait subsisté est la porte de l’Eglise, désormais rongée par le temps, qui permet malgré tout de constater l’habileté de son constructeur.

          Ce genre d’artisanat aurait pu se perfectionner et se développer par l’implantation sur place d’une scierie et d’un chemin d’accès par des chariots, si un article du traité franco-sarde de 1861, comme nous verrons par la suite, n’avait pas interdit la sortie de tout produit manufacturé, si bien que cet artisanat devait se limiter à la consommation locale.